【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (37)
Cette sympathie de Claire était une mince consolation pour Florent. Elle
lui attirait des plaisanteries plus sales, quand il s’arrêtait à causer avec la
jeune fille. Celle-ci haussait les épaules, disait que sa mère était une vieille
coquine et que sa sœur ne valait pas grand-chose. L’injustice du marché
envers l’inspecteur l’outrait de colère. La guerre, cependant, continuait, plus
cruelle chaque jour. Florent songeait à quitter la place ; il n’y serait pas
resté vingt-quatre heures, s’il n’avait craint de paraître lâche devant Lisa. Il
s’inquiétait de ce qu’elle dirait, de ce qu’elle penserait. Elle était forcément
au courant du grand combat des poissonnières et de leur inspecteur, dont le
bruit emplissait les Halles sonores, et dont le quartier jugeait chaque coup
nouveau avec des commentaires sans fin.
Ah ! bien, disait-elle souvent, le soir, après le dîner, c’est moi qui me
chargerais de les ramener à la raison ! Toutes, des femmes que je ne
voudrais pas toucher du bout des doigts, de la canaille, de la saloperie ! Cette
Normande est la dernière des dernières… Tenez, je la mettrais à pied, moi !
Il n’y a encore que l’autorité, entendez-vous, Florent. Vous avez tort, avec
vos idées. Faites un coup de force, vous verrez comme tout le monde sera
sage.
La dernière crise fut terrible. Un matin, la bonne de madame Taboureau,
la boulangère, cherchait une barbue, à la poissonnerie. La belle Normande,
qui la voyait tourner autour d’elle depuis quelques minutes, lui fit des
avances, des cajoleries.