【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (64)
Florent ne songeait guère à ces belles filles. Il traitait d’ordinaire les
femmes en homme qui n’a point de succès auprès d’elles. Puis, il dépensait
en rêve trop de sa virilité. Il en vint à éprouver une véritable amitié pour
la Normande ; elle avait un bon cœur, quand elle ne se montait pas la
tête. Mais jamais il n’alla plus loin. Le soir, sous la lampe, tandis qu’elle
approchait sa chaise, comme pour se pencher sur la page d’écriture de
Muche, il sentait même son corps puissant et tiède à côté de lui avec un
certain malaise. Elle lui semblait colossale, très lourde, presque, inquiétante,
avec sa gorge de géante ; il reculait ses coudes aigus, ses épaules sèches, pris
de la peur vague d’enfoncer dans cette chair. Ses os de maigre avaient une
angoisse, au contact des poitrines grasses. Il baissait la tête, s’amincissait
encore, incommodé par le souffle fort qui montait d’elle. Quand sa camisole
s’entrebâillait, il croyait voir sortir, entre deux blancheurs, une fumée de vie,
une haleine de santé qui lui passait sur la face, chaude encore, comme relevée
d’une pointe de la puanteur des Halles, par les ardentes soirées de juillet.