【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (65)
C’était un parfum persistant, attaché à la peau d’une finesse de soie, un suint
de marée coulant des seins superbes, des bras royaux, de la taille souple,
mettant un arôme rude dans son odeur de femme. Elle avait tenté toutes les
huiles aromatiques ; elle se lavait à grande eau ; mais dès que la fraîcheur du
bain s’en allait, le sang ramenait jusqu’au bout des membres la fadeur des
saumons, la violette musquée des éperlans, les âcretés des harengs et des
raies. Alors, le balancement de ses jupes dégageait une buée ; elle marchait
au milieu d’une évaporation d’algues vaseuses ; elle était, avec son grand
corps de déesse, sa pureté et sa pâleur admirables, comme un beau marbre
ancien roulé par la mer et ramené à la côte dans le coup de filet d’un pêcheur
de sardines. Florent souffrait ; il ne la désirait point, les sens révoltés par les
après-midi de la poissonnerie ; il la trouvait irritante, trop salée, trop amère,
d’une beauté trop large et d’un relent trop fort.
Mademoiselle Saget, quant à elle, jurait ses grands dieux qu’il était son
amant. Elle s’était fâchée avec la belle Normande, pour une limande de dix
sous. Depuis cette brouille, elle témoignait une grande amitié à la belle Lisa.