【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (67)
Elle mentait un peu pour rester et se chauffer les mains plus longtemps.
Le lendemain du jour où elle crut voir sortir Florent de la chambre de Claire,
elle accourut et fit durer l’histoire une bonne demi-heure. C’était une honte ;
maintenant, le cousin allait d’un lit à l’autre.
– Je l’ai vu, dit-elle. Quand il en a assez avec la Normande, il va trouver la
petite blonde sur la pointe des pieds. Hier, il quittait la blonde, et il retournait
sans doute auprès de la grande brune, quand il m’a aperçue, ce qui lui a fait
rebrousser chemin. Toute la nuit, j’entends les deux portes, ça ne finit pas…
Et cette vieille Méhudin qui couche dans un cabinet entre les chambres de
ses filles !
Lisa faisait une moue de mépris. Elle parlait peu, n’encourageant les
bavardages de mademoiselle Saget que par son silence. Elle écoutait
profondément. Quand les détails devenaient par trop scabreux :
– Non, non, murmurait-elle, ce n’est pas permis… Se peut-il qu’il y ait
des femmes comme ça !
Alors, mademoiselle Saget lui répondait que, dame ! toutes les femmes
n’étaient pas honnêtes comme elle. Ensuite, elle se faisait très tolérante
pour le cousin. Un homme, ça court après chaque jupon qui passe ; puis,
il n’était pas marié, peut-être. Et elle posait des questions sans en avoir
l’air. Mais Lisa ne jugeait jamais le cousin, haussait les épaules, pinçait les
lèvres. Quand mademoiselle Saget était partie, elle regardait, l’air écœuré,
le couvercle de l’étuve, où la vieille avait laissé, sur le luisant du métal, la
salissure terne de ses deux petites mains.
– Augustine, criait-elle, apportez donc un torchon pour essuyer l’étuve.
C’est dégoûtant.