Florent ; pas plus que les autres, ne faisait attention à Clémence. C’était
un homme pour eux. On lui donnait des poignées de mains à lui démancher
le bras. Un soir, Florent assista aux fameux comptes. Comme la jeune
femme venait de toucher son argent, Charvet voulut lui emprunter dix francs.
Mais elle dit que non, qu’il fallait savoir où ils en étaient auparavant. Ils
vivaient sur la base du mariage libre et de la fortune libre ; chacun d’eux
payait ses dépenses, strictement ; comme ça, disaient-ils, ils ne se devaient
rien, ils n’étaient pas esclaves. Le loyer, la nourriture, le blanchissage, les
menus plaisirs, tout se trouvait écrit, noté, additionné. Ce soir-là, Clémence,
vérification faite, prouva à Charvet qu’il lui devait déjà cinq francs. Elle lui
remit ensuite les dix francs, en lui disant :
– Marques que tu m’en dois quinze, maintenant… Tu me les rendras le
5, sur les leçons du petit Léhudier.
Quand on appelait Rose pour payer, ils tiraient chacun de leur poche
les quelques sous de leur consommation. Charvet traitait même en riant
Clémence d’aristocrate, parce qu’elle prenait un grog ; il disait qu’elle
voulait l’humilier, lui faire sentir qu’il gagnait moins qu’elle, ce qui était
vrai ; et il y avait, au fond de son rire, une protestation contre ce gain plus
élevé, qui le rabaissait, malgré sa théorie de l’égalité des sexes.