【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (90)
– C’est Jules, dit-elle, qui les arrange, ceux qui disent du mal de
l’empire… Il faudrait les flanquer tous à la Seine, parce que, comme il me
l’a expliqué, il n’y a pas avec eux un seul homme comme il faut.
– Oh ! continua mademoiselle Saget, ce n’est pas un grand mal, tant que
les imprudences tombent dans les oreilles d’une personne comme moi. Vous
savez, je me laisserais plutôt couper la main… Ainsi, hier soir, monsieur
Quenu disait…
Elle s’arrêta encore. Lisa avait eu un léger mouvement.
– Monsieur Quenu disait qu’il fallait fusiller les ministres, les députés,
et tout le tremblement.
Cette fois, la charcutière se tourna brusquement, toute blanche, les mains
serrées sur son tablier.
– Quenu a dit ça ? demanda-t-elle d’une voix brève.
– Et d’autres choses encore dont je ne me souviens pas. Vous comprenez,
c’est moi qui l’ai entendu…. Ne vous tourmentez donc pas comme ça,
madame Quenu. Vous savez qu’avec moi, rien ne sort ; je suis assez grande
fille pour peser ce qui conduirait un homme trop loin… C’est entre nous.
Lisa s’était remise. Elle avait l’orgueil de la paix honnête de son ménage,
elle n’avouait pas le moindre nuage entre elle et son mari. Aussi finit-elle
par hausser les épaules, en murmurant, avec un sourire :
– C’est des bêtises à faire rire les enfants.