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CHAPTER XI

时间:2020-10-06来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:Petit cochon, vous ne travaillez pas,rptait LangiboutAnatole quand il passait derrire lui dans sa visitel'atelier.On aur
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 —Petit cochon, vous ne travaillez pas,—répétait Langibout à Anatole quand il passait derrière lui dans sa visite à l'atelier.
 
On aurait pu appeler Langibout le dernier des Romains.
 
Il était le survivant et le type dur de l'ancienne école. Il finissait la race où l'indépendance bourgeoise des artistes du XVIIIe siècle se mêlait au culte de 89 et des idées de liberté. Élève de David, il vivait dans la religion de son souvenir. Les antichambres ministérielles ne l'avaient jamais vu ni mendier ni attendre; et sa vie roide dans sa dignité, affectait une certaine austérité républicaine, comme une sainteté rude, aujourd'hui perdue dans le monde des arts. Il tenait du vieux grognard et du militaire à la Charlet, avec son libéralisme bougon, ses mécontentements boudeurs et refoulés, son air, sa grosse voix mâchonnant les mots, sa dure et forte moustache, ses cheveux ras. Quand il entrait dans l'atelier, le respect et le salut du silence se faisaient devant sa tête robuste et penchée de côté, ses tempes grises sous son bonnet grec, ses yeux aux paupières lourdes, ses traits carrés, taillés largement dans des traits d'ouvrier, et où se voyait, sous l'air grognon, une bonté de peuple. Un souffle de recueillement passait sur toute cette jeunesse, et les plus gamins se sentaient une petite peur d'émotion quand le maître leur parlait. On l'estimait, on le craignait, et on le vénérait. Dans la gronderie de ses avertissements, il y avait une chaleur de cœur, une brusquerie de vive affection qui n'échappait point à ses élèves. On lui savait gré de ces colères impuissantes, de ces rages qu'il répandait en gros mots, quand son peu d'influence dans les jugements des concours de prix de Rome avait fait manquer à un de ses élèves un prix enlevé par l'intrigue et la partialité de ses confrères tenant atelier comme lui. On lui était encore reconnaissant de sa tolérance pour les vieux usages transmis par les ateliers de la Révolution aux ateliers de Louis-Philippe. Langibout était indulgent pour les farces, et même pour les charges un peu féroces. Il trouvait que cela essayait et trempait la virilité des gens, disant que les hommes n'étaient pas «des demoiselles»; que de son temps, c'était bien autre chose, et que personne n'en mourait; que, dans l'art, il fallait se faire un peu la peau et le cœur à tout. Et il rappelait la sauvage école des artistes sous la république une et indivisible, les misères mâles et farouches où, n'ayant pas de quoi dîner, il se couchait, prenait une chique dans sa bouche, versait dessus un verre d'eau-de-vie, et mangeait la fièvre que cela lui donnait.
 
Enfin, dans tout l'atelier, Langibout était aimé pour la simplicité de sa vie, une vie de petit bourgeois, en manches de chemise, quotidiennement promenée sur ce trottoir de la rue d'Enfer, entre un regard des eaux d'Arcueil et la boutique d'un chaudronnier; une vie de famille, égayée de temps en temps d'un petit vin de Nuits qui arrosait les modestes et cordiaux dîners d'amis du dimanche.
 
Langibout s'était laissé prendre au charme d'Anatole, à la séduction qu'exerçait sur tous ce gai garçon qui semblait né pour plaire et arriver, ce jeune homme si brillant, si sympathique, dont les mères des autres élèves se parlaient entre elles, dans leurs petites soirées, avec une sorte d'envie. Son intérêt, son affection avaient été gagnés par l'entrain de ce farceur, et aussi par de certaines promesses de talent que ses études semblaient montrer. Tant qu'Anatole avait dessiné et peint d'après l'académie, rien n'avait attiré sur ce qu'il faisait l'attention de Langibout. Mais quand il arriva à ces concours d'esquisses de tous les quinze jours, où le premier recevait en prix de Langibout un exemplaire des Loges de Raphaël ou des Sacrements du Poussin, il se dégagea, montra des aptitudes personnelles, obtint presque toutes les fois la première place. Il avait un certain sens de la composition, de l'arrangement, de l'ordonnance. De beaucoup de lectures, il avait retenu comme des morceaux de reconstitution archaïque, des signes symboliques, des emblèmes, la mémoire d'animaux hiératiques et désignateurs, le hibou de la Minerve athénienne, l'épervier d'Égypte. Il avait attrapé par-ci par-là, à travers les livres feuilletés, un petit bout d'antiquité, un détail de mœurs, un de ces riens, qui mettent du caractère et l'apparence du passé dans un coin de toile. Il connaissait le modius, emblême d'abondance, et le strophium, couronne des dieux et des athlètes vainqueurs. A ce qu'il savait de raccroc, il ajoutait ce qu'il inventait au petit bonheur, et ce qu'il défendait auprès de Langibout avec des citations imaginées, des arguments tirés d'un Homère inédit ou d'une Bible invraisemblable. «Il cherche celui-là»,—disait naïvement aux autres élèves Langibout, confondu dans sa courte science d'érudition.
 
Par là-dessus, Anatole avait un certain instinct du groupement, l'intelligence du moment précis de la scène indiqué et souligné sur le programme du concours, une entente un peu banale, mais agréablement littéraire, du drame agité dans son sujet. A côté des autres esquisses, plus colorées, plus ressenties de dessin, son esquisse avait la clarté: ses bonshommes étaient en situation, son décor montrait une espèce de couleur locale, son ébauche de tableau faisait tableau. Et Langibout jugeait que, si jamais il pouvait parvenir à travailler, il était capable de faire aussi bien qu'un autre son trou et son chemin dans l'art. Aussi était-il toujours à le pousser, à le tourmenter, se plantant derrière lui et restant là à lui grommeler dans le dos:—«Le garçon voit bien… Il interprète bien, très-bien… Ça va bien… Bonne couleur… fin, solide, lumineux… La tête… la tête y est… le torse, bien construit, le torse… Et puis… Ah! voilà… quelque chose manque… Oui, la volonté… ne jamais aller jusqu'au bout… Faiblesse, paresse… plus de jambes… Tout qui fiche le camp… Plus personne!… En bas, rien… Des jambes? ça, des jambes! Rien… Est-ce que ça porte, ces jambes-là, voyons?… Non, plus rien… Le bas, bonsoir…»
 
Et la semonce finissait toujours par le refrain: «Petit cochon, vous ne travaillez pas», qu'il jetait dans l'oreille d'Anatole en lui tirant assez rudement les cheveux.
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