【法语版】L'île au trésor 金银岛 I (7)
I Le vieux loup de mer (7)
Il ne trouva son maître qu’une seule fois. Ce fut vers la fin de son
séjour, alors que mon pauvre père était déjà bien avancé dans la maladie qui
l’emporta. Notre médecin, le docteur Livesey, venu assez tard dans l’aprèsmidi
pour faire sa visite quotidienne, accepta le dîner que lui offrait ma
mère ; puis il se rendit au parloir pour y fumer une pipe, en attendant que
son cheval arrivât du village, car nous n’avions pas d’écurie. J’y entrai après
lui, et je me rappelle combien je fus frappé du contraste que présentait le
docteur, propre et soigné dans sa toilette, poudré à frimas, rasé de frais,
avec les rustauds qui l’entouraient et surtout avec ce dégoûtant, cet affreux
épouvantail de pirate, aux yeux rouges, au teint plombé et aux vêtements
sordides, ivre de rhum comme à son ordinaire, et lourdement affalé sur la
table.
Tout à coup le Capitaine, relevant la tête, entonna son éternel refrain :
Ils étaient quinze matelots
Sur le coffre du mort ;
Quinze loups, quinze matelots,
Yo-ho-ho !… Yo-ho-ho !…
Au commencement, je pensais que le « coffre du mort » devait être celuilà même qu’il
avait dans sa chambre, et cette idée s’était longtemps associée
à tous mes cauchemars sur le « marin à la jambe unique ». Mais il y avait
beau temps que ni moi ni personne ne faisions plus attention aux paroles
de cette chanson. Le docteur seul ne la connaissait pas encore. Je remarquai
qu’elle était loin de lui faire plaisir, car il leva la tête d’un air assez dégoûté
et fut une minute ou deux avant de se remettre à causer avec le vieux Taylor,
un maraîcher du voisinage, qui lui parlait de ses rhumatismes.