【法语版】L'île au trésor 金银岛 II (5)
II Chien-noir se montre et disparaît (5)
Quand je revins avec le rhum, ils étaient assis tous les deux à la table
dressée pour le Capitaine. Chien-Noir avait eu soin de prendre le côté de
la porte et se tenait de biais, de manière à surveiller son vieux camarade et
à pouvoir battre en retraite, si c’était nécessaire. Il m’ordonna de sortir en
ajoutant :
« Tu sais, fiston, ce n’est pas moi qu’on pince par les trous de serrure ! »
Sur quoi je me retirai dans le comptoir, non sans prêter l’oreille de mon
mieux pour essayer de saisir quelque chose de leur conversation. Mais
pendant assez longtemps j’entendis seulement un chuchotement. Enfin, les
voix montèrent à un diapason plus élevé et je distinguai quelques mots.
C’étaient principalement des jurons articulés par le Capitaine.
« Non, non, non, et non !… c’est dit, n’est-ce pas ? cria-t-il tout à coup.
Allez tous vous faire pendre. »
Il y eut alors un vacarme effroyable de jurons, de vaisselle cassée, de
tables et de chaises renversées, puis un froissement d’acier, un cri de douleur,
et Chien-Noir passa devant moi, l’épaule en sang, le coutelas à la main,
fuyant devant le Capitaine qui courait après lui, et qui lança son arme sur
le blessé au moment où il venait de franchir la porte. Heureusement le coup
fut paré par notre grande enseigne, l’Amiral-Benbow, où l’on en voit encore
la trace, car, si Chien-Noir l’avait reçu, il était fait pour le couper en deux.
Ce fut la fin du combat. Le fugitif, arrivé sur la route, déploya une agilité
merveilleuse et, en moins d’une demi-minute, ses talons avaient disparu
au tournant du pont. Quant au Capitaine, il contemplait l’enseigne d’un air
stupéfait et sans mot dire. Enfin, il passa deux ou trois fois la main sur ses
yeux et rentra dans la maison.
« Jim, me dit-il, un peu de rhum… »
Et comme il parlait, je le vis chanceler, puis se retenir au mur pour ne
pas tomber.