【法语版】L'île au trésor XIX (3)
XIX La garnison du blockhaus(3)
Pendant une bonne heure, les détonations se succédèrent et les boulets
continuèrent à pleuvoir. Je changeais de cachette à tout instant, et ces
terribles projectiles me poursuivaient toujours. Mais on s’habitue à tout. Vers
la fin du bombardement, quoique je n’osasse pas encore me rapprocher du
blockhaus, qui servait évidemment de cible à ce tir d’enragés, j’avais un
peu repris courage, et, après un long détour vers l’Est, je descendis avec
précaution parmi les arbres de la grève.
Le soleil venait de se coucher. La brise agitait doucement la cime
des arbres et ridait la surface grise de la mer. La marée, complètement
descendue, laissait à découvert une large bande de sable. L’air s’était
subitement refroidi au point que je frissonnais dans ma jaquette.
L’Hispaniola était toujours à l’ancre à la même place, mais à sa corne
flottait l’étendard noir des pirates. Comme je la regardais, une lueur rouge
suivie d’une détonation éclata à son arrière, les échos résonnèrent et un
boulet de canon siffla dans les airs. Ce fut le dernier de la journée.
Pendant quelque temps encore je restai caché, observant l’agitation qui
succédait à l’attaque. Sur la grève, des hommes étaient en train de démolir
quelque chose à coups de hache. Je sus par la suite que c’était le pauvre
canot. Au loin, près de l’embouchure du ruisseau, un grand feu brillait parmi
les arbres. Entre ce point et le schooner, une des chaloupes ne faisait qu’aller
et venir ; les hommes qu’elle portait et que j’avais vus si sombres le matin
riaient et chantaient maintenant à tue-tête. Évidemment le rhum était de la
partie.