【法语版】L'île au trésor XXIX (6)
XXIX Encore la marque noire(6)
Croyez-vous qu’un otage n’ait pas son prix par le temps qui court, pour que j’aille
m’amuser à le gâcher aussi ? Non, pas si bête. C’est peut-être notre dernière
chance de salut. Je la garde. Tuer ce garçon ? Ah ! mais non, camarades.
Quant au numéro trois… il y a beaucoup à dire au sujet du numéro trois.
Peut-être comptez-vous pour rien d’avoir un docteur, un vrai docteur, qui
vient vous voir chaque jour, – toi, Bill, avec ta tête cassée, et vous, George
Merry, qui trembliez la fièvre il n’y a pas six heures et qui en ce moment
même avez les yeux couleur jaune citron ?… Peut-être aussi ignorez-vous
qu’il y a un autre navire en route vers cette île ?… Pourtant il y en a un, qui
ne tardera pas à paraître. Et nous verrons alors qui sera bien aise d’avoir un
otage, quand nous en serons là… Reste le numéro deux. Pourquoi j’ai traité
avec les gens du blockhaus ? M’est avis que vous le savez bien un peu, vous
qui êtes venus me lécher les bottes, pour que je le fisse, – oui, me lécher les
bottes, vous étiez si découragés, – sans compter que vous seriez morts de
faim sous deux ou trois jours… Mais tout cela n’est rien. Vous voulez savoir
pourquoi j’ai traité ?… Tenez, le voilà, le pourquoi !… »
Et ce disant, il jeta sur le plancher un papier que je reconnus à l’instant,
– la carte même, la carte jaunie, avec ses trois croix rouges, que j’ai trouvée
dans le coffre du Capitaine !… Il m’était impossible de comprendre que le
docteur s’en fût dessaisi.
Mais, si c’était une énigme pour moi, les rebelles ne songèrent même pas
à en demander l’explication. Ils sautèrent sur ce papier comme des chats sur
une souris. Je le vis passer de main en main. On se l’arrachait. Et c’étaient
des cris, des rires enfantins… À peine auraient-ils témoigné plus de joie s’ils
avaient tenu le trésor et s’ils s’étaient vus en mer, avec leur butin, dans un
bon navire.