【法语版】L'île au trésor XXIX (8)
XXIX Encore la marque noire(8)
– Le livre sera toujours bon pour prêter serment, je pense ? demanda
Dick, évidemment fort inquiet de l’imprudence qu’il avait commise.
– Une Bible déchirée ? répondit Silver. Non, mon gars. Cela ne vaut pas
mieux qu’un vieux livre de chansons… Tiens, Jim, voici une curiosité pour
toi », ajouta-t-il en me passant la marque noire.
C’était un rond de papier du diamètre d’un écu de cinq shillings, découpé
sur le dernier feuillet du livre. Un des côtés, assez grossièrement noirci avec
du charbon, laissait encore lire deux ou trois lignes imprimées, – ces mots
entre autres, qui frappèrent vivement mon esprit : « Dehors sont les chiens
et les meurtriers ». Sur l’autre côté, resté en blanc, on avait écrit, toujours au
charbon, le mot déposé, en majuscules (et avec deux P). Je possède encore,
à l’heure où j’écris, ce curieux trophée. Mais il n’y reste pas trace d’écriture,
– à peine une égratignure comme on peut en faire une du bout de l’ongle.
Ainsi se termina l’affaire. Chacun but un coup, puis nous nous couchâmes
par terre pour dormir jusqu’au jour. Toute la vengeance de Silver contre
George Merry fut de le mettre en sentinelle à la porte, avec la promesse
d’une balle dans la tête s’il ne montait pas bien sa garde.
Il se passa longtemps avant que je pusse fermer l’œil. Dieu sait que j’avais
de quoi penser, avec l’homme que j’avais tué dans l’après-midi, la position
périlleuse où je me trouvais encore, et surtout l’étrange partie où je voyais
s’engager Silver, – gardant les rebelles en main, d’un côté, de l’autre tâtant
tous les moyens possibles et impossibles d’obtenir son pardon et de sauver
sa misérable peau… Il dormait déjà paisiblement, le malheureux. Et moi,
las comme je l’étais, je ne pouvais m’empêcher de le plaindre, tout pervers
qu’il était, du sort affreux qu’il avait attiré sur sa tête et de la mort honteuse
qui l’attendait.