【法语版】L'île au trésor 金银岛 III (7)
III La marque noire (7)
Et jamais voix si dure, si impitoyable, n’avait frappé mon oreille. Je crois
bien qu’elle m’effraya encore plus que la torsion de mon bras. Je me sentis
dompté. Sans plus de résistance, j’obéis donc et me dirigeai droit vers le
parloir, où notre vieux pirate était assis au coin du feu, cuvant son rhum.
L’aveugle me suivait de près, serrant toujours mon bras d’une main de fer,
et s’appuyant si lourdement sur mon épaule qu’à peine pouvais-je marcher.
« Tu vas me mener tout droit à lui, et, aussitôt qu’il pourra me voir, crie :
« Bill ! voici un de vos amis ! » Sinon, gare à ton poignet », ajouta-t-il en
me donnant un avant-goût de ce qu’il me réservait.
La douleur et l’épouvante me firent oublier la terreur que m’inspirait
habituellement le Capitaine. J’ouvris brusquement la porte du parloir et je
répétai les paroles que me dictait l’aveugle.
Le pauvre capitaine tressaillit et d’un seul regard se trouva dégrisé, en
possession de toute sa raison. L’expression de sa physionomie me parut en
ce moment moins encore celle de la frayeur que celle d’un dégoût mortel. Il
fit un mouvement pour se lever, mais n’en eut pas la force.
« Bill, restez où vous êtes ! dit le mendiant. Je n’y vois pas, mais j’ai
l’ouïe fine et j’entends si l’on remue le bout du doigt… Les affaires sont les
affaires… Tendez votre main gauche… Garçon, prends cette main gauche
par le poignet et mets-la près de ma main droite… »
Nous obéîmes tous deux passivement. Je vis alors l’aveugle passer
quelque chose, du creux de la main qui tenait son bâton, dans la paume du
Capitaine, qui se referma dessus, instantanément.
« Voilà qui est fait ! » reprit l’aveugle.