【法语版】L'île au trésor 金银岛IV (6)
IV Le coffre du capitaine (6)
« Nous allons montrer à ces coquins que nous sommes d’honnêtes gens !
dit ma mère. Je prendrai mon dû, et pas un liard de plus… Tiens-moi le sac
de mistress Crowley !…
Et elle se mit à compter des pièces d’or, qu’elle jetait au fur et à mesure
dans le sac que je tenais ouvert. Son projet était d’arriver au total exact de
la note du Capitaine. Mais ce n’était pas une opération aussi simple qu’on
pourrait le croire : car les pièces étaient de tout modèle et de tous pays, des
doublons, des louis, des guinées, des onces, que sais-je encore ? Le tout pêlemêle.
Encore les guinées étaient-elles les plus rares, et les seules que ma
mère sût compter.
Nous n’étions pas à moitié de ce travail, quand je l’arrêtai soudain en
posant ma main sur son bras. Dans le silence de la nuit, je venais de percevoir
un son qui me glaçait le sang dans les veines, le tap-tap-tap du bâton de
l’aveugle sur le sol durci par la gelée… Le son se rapprochait… Nous
écoutions, retenant notre haleine… Le bâton frappa le seuil de la porte,
et nous entendîmes le loquet qu’on tournait, puis le verrou secoué par le
misérable… Il y eut un long silence… Enfin le tap-tap-tap recommença,
s’éloigna lentement, à notre joie inexprimable, et finit par se perdre au loin.
Mère, m’écriai-je, prenons tout et partons ! »
J’étais sûr que cette porte verrouillée devait avoir paru suspecte et que
toute la bande n’allait pas manquer de nous tomber sur le dos. Et pourtant,
que j’étais aise d’avoir pensé à pousser ce verrou ? Pour s’en faire une idée,
il faut avoir vu ce terrible aveugle.
Si effrayée que fût ma mère, elle ne voulut à aucun prix entendre parler
de prendre un sou de plus que son dû. Quant à prendre un sou de moins, elle
s’y refusait obstinément.
« Il est à peine sept heures, disait-elle. Je veux tout ce qui m’appartient. »