【法语版】L'île au trésor 金银岛V(4)
V La fin de l’aveugle (4)
« Tas d’idiots, qui n’avez qu’à tendre la main pour ressaisir des millions
et qui les laissez échapper ! disait l’aveugle. Vous savez qu’un chiffon de
papier vous ferait aussi riche que des rois, qu’il est là, près de vous, et vous
ne grouillez pas ?… Pas un de vous n’a osé seulement affronter Bill !… Il
a fallu que ce fût moi, un aveugle !… Et il faut maintenant que je perde une
fortune par votre faute !… que je continue à mendier ma misérable vie, au
lieu de rouler carrosse, comme ce serait si facile !… Il ne s’agit pourtant que
de trouver ces gens, et c’est une entreprise qui demande tout juste autant de
courage qu’il y en a dans un ver de biscuit… Eh bien !… ce courage, vous
ne l’avez pas !
– Que veux-tu, Pew ? nous avons toujours les doublons ! argua l’un des
hommes.
– Qui nous dit d’ailleurs que ce bienheureux papier n’est pas déjà enterré
quelque part ? reprit un autre. Prends les guinées, Pew, et ne reste pas là à
brailler de la sorte… »
Brailler était le mot. Ces objections exaspérèrent l’aveugle à tel point
qu’il ne se posséda plus et se mit à donner de grands coups de bâton à ceux
qui se trouvaient à sa portée. À leur tour, ils ripostèrent avec des jurons et
des menaces effroyables, en essayant mais en vain de lui arracher son bâton.
Cette querelle nous sauva, ma mère et moi. Car soudain j’entendis sur
la hauteur, du côté du village, le galop d’une troupe de chevaux, et presque
aussitôt un coup de pistolet brilla et retentit sur la falaise. Ce fut le signal
de la débandade. Les brigands se mirent à courir de tous côtés, les uns vers
la baie, les autres à travers champs. En moins d’une demi-minute, Pew était
resté seul. L’avaient-ils abandonné ainsi par un simple effet de leur panique
ou pour se venger de ses menaces et de ses brutalités, c’est ce que je ne
saurais dire ; mais le fait est qu’il se trouvait en arrière, tapant frénétiquement
la route de son bâton, fuyant à tâtons et appelant vainement ses camarades.