【法语版】L'île au trésor 金银岛VII (6)
VII Le cuisinier du navire (6)
Ce n’est qu’en voyant ce garçon à ma place que je compris véritablement
ce que j’allais quitter. J’avais tant rêvé à mes aventures futures que j’avais
complètement oublié le cher foyer, qu’il fallait maintenant laisser derrière
moi. Mais, ce jour-là, la vue de ce garçon inconnu et maladroit qui tenait
ma place auprès de ma mère me fit venir les larmes aux yeux. Je dus mettre
ce pauvre enfant au supplice, pendant le temps que je passai chez nous.
Comme il n’avait guère l’habitude du service, j’avais cent prétextes pour le
réprimander, et je ne me privais pas assez de les saisir.
La nuit se passa, et le lendemain, après dîner, Redruth et moi nous
partîmes à pied. Je dis adieu à ma mère, à la baie, au cher vieux Amiral-
Benbow, – moins cher peut-être depuis qu’il avait été repeint. Ma dernière
pensée fut, je crois, pour le Capitaine. Je l’avais vu si souvent se promener
à grandes enjambées sur la plage, avec son tricorne, sa balafre, sa longuevue sous le bras….
L’instant d’après, nous tournions le coin du chemin et la baie disparaissait
à mes yeux.
Dans la soirée nous prîmes sur la route la diligence de Bristol. On me casa
sur l’impériale, entre Redruth et un gros monsieur, et, en dépit de l’air frais
de la nuit, bercé par le balancement du véhicule, je ne tardai pas à m’assoupir.
Je ne me réveillai même pas aux relais, et il fallut, pour me rappeler à la
réalité, que Redruth m’allongeât un coup de poing dans les côtes.
En ouvrant les yeux, je m’aperçus alors que nous passions dans une large
rue, devant des maisons plus hautes que celles dont j’avais l’habitude, et
qu’il faisait grand jour.
« Où sommes-nous ? demandai-je.
– À Bristol », me répondit-on.
Presque au même instant la diligence s’arrêta et nous mîmes pied à terre.