【法语版】L'île au trésor 金银岛VIII (6)
VIII À l’enseigne de la Longue-Vue(6)
Tout d’un coup il s’arrêta, et sa mâchoire tomba comme si quelque chose
lui revenait à la pensée.
« Et le compte du brigand ! s’écria-t-il. Trois tournées de rhum !… Le
diable m’emporte si j’y songeais !… »
Là-dessus il se laisse choir sur un banc en riant aux larmes. J’en fais
autant, et notre gaieté est si contagieuse que les murs de la taverne en sont
bientôt ébranlés.
« Quel veau marin je fais encore ! dit John Silver quand il put enfin
s’arrêter. Je serai bien surpris si nous ne nous entendons pas à merveille,
mon cher Hawkins ; car c’est comme mousse qu’on aurait dû m’enrôler et
non pas comme cuisinier… Mais voyons, voyons ! Il faut en finir. Le devoir
avant tout, pas vrai ?… Je prends mon vieux tricorne et nous allons ensemble
trouver le capitaine Trelawney, pour lui conter cette affaire… car c’est plus
sérieux qu’on ne le dirait à nous voir, et il faut convenir que ni vous ni moi
n’avons brillé dans cette occasion… Vous non plus, ma foi ! Pas de chance,
nous deux, pas de chance ! Mais la peste m’étouffe si j’ai autant ri depuis
longtemps qu’à propos de ce compte !… »
Et il se remit à rire de si bon cœur, que je dus par politesse partager de
nouveau sa gaieté, quoique, à vrai dire, je n’en visse pas bien réellement la
cause. Le long des quais, tout en marchant, il se montra le mieux informé
et le plus intéressant des causeurs, me nommant les navires, m’expliquant
leur voilure, leur tonnage et leurs pavillons, entrant dans des détails infinis
sur tous les travaux du port : celui-ci débarquait sa cargaison ; celuilà l’embarquait ;
cet autre s’apprêtait à appareiller ; et puis une infinité
d’anecdotes maritimes et des expressions nautiques qu’il me faisait répéter
jusqu’à ce que je me les fusse assimilées. Bref, avant d’arriver à l’hôtel, je
m’étais déjà dit plusieurs fois qu’il était impossible de rencontrer un plus
charmant compagnon de voyage.