【法语版】L'île au trésor XV (2)
XV L’habitant de l’île (2)
Des histoires de cannibales me revinrent en mémoire. J’allais appeler au
secours, quand l’idée que j’avais affaire à un homme, même sauvage, me
rassura dans une certaine mesure. Je me dis qu’il ne pouvait pas être aussi
féroce que Silver. Je m’arrêtai donc pour réfléchir à quelque moyen de salut,
et tout à coup je songeai que j’avais un pistolet. Aussitôt le courage me
revint. Je fis volte-face et marchai droit à l’inconnu.
Il s’était caché derrière un tronc d’arbre ; mais sans doute il m’observait,
car, voyant mon mouvement, il se montra et fit un pas vers moi. Puis il parut
hésiter, recula, et finalement à ma surprise mêlée de confusion, il se jeta à
genoux en tendant vers moi des mains suppliantes.
Je m’arrêtai aussitôt.
« Qui êtes-vous ? demandai-je.
– Ben Gunn, répondit-il. (Et sa voix était rauque comme une vieille
serrure rouillée.) Je suis le pauvre Ben Gunn. Et il y a trois ans que je n’ai
parlé à une créature humaine. »
Je m’aperçus alors que c’était un blanc comme moi, et même que ses
traits étaient assez agréables. Sa peau, partout où on la voyait, semblait
comme tannée par le soleil ; ses lèvres mêmes étaient noires, et ses yeux
clairs faisaient le plus singulier effet dans une figure aussi brune. Jamais
je n’avais vu mendiant aussi déguenillé. Son accoutrement était le plus
étrange composé de vieux haillons de matelot et de lambeaux de toile à voile,
retenus par tout un système d’agrafes hétéroclites : des boutons de cuivre,
des morceaux de bois, des bouts de ficelle goudronnée. La seule partie solide
de son équipement était un vieux ceinturon de cuir à large boucle, qui lui
serrait les reins.