【法语版】L'île au trésor XXII (6)
XXII Comment je repris la mer(6)
Précisément à ce moment, le soleil disparaissait derrière la Longue-Vue ;
un brouillard épais s’éleva aussitôt du marécage ; la venue prochaine de la
nuit s’annonçait. Je vis qu’il n’y avait pas de temps à perdre si je voulais
trouver ce soir même la barque de Ben Gunn.
La Roche-Blanche, très visible au-dessus des broussailles, se trouvait
à trois ou quatre cents pas environ vers l’extrémité de la pointe. Je fus
néanmoins assez longtemps à y arriver, car j’avais soin de ramper pour ne
pas être vu, en m’arrêtant à tout instant derrière les buissons. Aussi la nuit
était-elle presque tombée quand je l’atteignis enfin. Sous la roche même, je
découvris alors une sorte de niche tapissée de gazon, abritée par des bruyères
fort épaisses, et formée d’une petite tente de peaux de chèvre, comme celles
dont se servent les bohémiens errants en Angleterre.
Je me glissai jusqu’à ce creux, je soulevai un coin de la tente et je me
trouvai en présence du canot de Ben Gunn, – un produit du terroir s’il en
fut jamais. C’était une espèce de pirogue de bois dur, informe et rugueuse,
pontée, si j’ose ainsi dire, de peaux de chèvre le poil en dedans ; si petite
qu’à peine devait-elle être suffisante pour moi, et que je me suis toujours
demandé comment un homme avait pu s’en servir ; avec un banc de rameur
aussi bas que possible, un appui pour les pieds et une double pagaie en guise
de propulseur. Je n’avais pas vu alors de pirogues de bois et de peaux, telles
qu’en construisaient les anciens Bretons ; mais j’en ai vu depuis, et je ne
puis donner une meilleure idée de l’embarcation de Ben Gunn qu’en disant
qu’elle ressemblait de tout point à la plus primitive de ces pirogues. Elle en
possédait en tout cas la principale qualité, – qui est une légèreté extrême.