【法语版】L'île au trésor XXIV(4)
XXIV Le voyage de la pirogue(4)
Aussitôt fait que pensé. Je me soulevai sur mes coudes, dans l’attitude
la plus incommode, et je risquai à deux ou trois reprises un faible coup de
pagaie dans la direction de la côte. Je n’obtins pas un énorme résultat, mais
enfin j’obtins un résultat appréciable ; et quand j’approchai du cap des Bois,
je vis que, quoique je dusse infailliblement le manquer, j’avais cependant
gagné une centaine de mètres vers l’Est. En fait, j’étais très près du rivage ;
je voyais la fraîche et verte cime des arbres se balancer sous la brise, et je
me sentais presque sûr d’atteindre le promontoire suivant.
Il était temps, car je commençais à être torturé par la soif. L’ardeur du
soleil, l’éclat des rayons réfléchis par les vagues comme par autant de miroirs
à facettes, l’eau de mer qui séchait sur moi en couvrant de sel mes lèvres
mêmes, tout cela se combinait pour mettre ma gorge en feu. La vue des
arbres si près de moi me donnait une envie folle d’y arriver et de m’abriter
sous leur ombre. Mais le courant m’emporta bientôt au-delà de la pointe et,
comme je débouchais dans la baie suivante, j’aperçus un objet qui changea
brusquement le cours de mes idées.
Tout droit devant moi, à moins d’un mille de distance, je voyais
l’Hispaniola, sous voiles. Évidemment j’allais être pris ; mais j’étais dans
une telle détresse, par besoin de boire, que je ne savais plus si je devais être
content ou fâché de cette perspective ; et longtemps avant d’en venir à une
conclusion, la surprise avait pris possession entière de mon esprit et je ne
me trouvais capable que d’écarquiller les yeux d’étonnement.