【法语版】L'île au trésor XXV(1)
XXV J’abats le drapeau noir(1)
J’avais à peine réussi à me hisser à califourchon sur le beaupré, quand
le grand foc se remplit de vent et, se tendant d’un coup sec comme une
détonation, nous emporta vers le Nord. Le schooner frémit jusqu’à la quille
par l’effet de la secousse. Mais, l’instant d’après les autres voiles ayant pris le
vent, le foc retomba. Je n’en avais pas moins manqué être précipité à la mer.
Aussi m’empressai-je de quitter cette dangereuse position, et, rampant sur
le beaupré, j’allai tomber la tête en avant sur le gaillard. Je me trouvais sur le
côté du vent, et comme la grande voile était encore tendue, elle me cachait
une partie de l’arrière. Le pont semblait être désert. Il n’avait pas été lavé
depuis la révolte et portait de nombreuses traces de pieds. Une bouteille vide,
le goulot cassé, roulait comme une chose encore vivante entre les datois.
Mais soudain l’Hispaniola arriva face au vent. Les focs craquèrent
bruyamment derrière moi ; le gouvernail battit contre l’arrière ; tout le navire
tressaillit et fit un plongeon à soulever le cœur ; en même temps, le boutehors
du grand mât tourna en dedans, la voile gémit sur ses poulies et me
laissa voir l’arrière. J’aperçus alors les deux hommes de garde : l’un, celui
qui avait un béret rouge, couché sur le dos, raide comme une pique, les bras
étendus comme ceux d’un crucifix, montrant toutes ses dents entre ses lèvres
tordues par une sorte de rictus sinistre ; l’autre, Israël Hands, accoté contre
le bastingage, le menton sur la poitrine, les deux mains pendant ouvertes, la
face pâle comme cire sous son hâle…